Point juridique - Par Carine Cohen, avocate, Walter Billet Avocats
Contrat de travail à temps partiel – attention danger !
Les règles légales et conventionnelles encadrant la mise en œuvre du temps partiel sont nombreuses et leur non-respect n’est pas sans conséquence en termes de risques financiers pour l’employeur.
La jurisprudence a eu l’occasion de rappeler à plusieurs reprises que l’employeur qui ne respecte pas les règles applicables, notamment en matière de rédaction du contrat de travail ou d’heures complémentaires, s’expose à un risque de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein.
Deux arrêts récents de la Cour de cassation apportent de nouvelles précisions et méritent d’être mentionnés.
L’article L. 3123-6 du Code du travail pose le principe selon lequel « le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit » et précise les mentions obligations de ce contrat telles que :
· la durée de travail hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle de base prévue ;
· la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois.
Si certaines des mentions prévues par l’article L. 3123-6 du Code du travail ne sont pas précisées dans le contrat, ce dernier est présumé être conclu à temps complet (Cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-19255).
L’employeur peut toutefois écarter cette présomption s’il démontre :
- que le salarié était en mesure de prévoir à son rythme de travail et qu’il ne se trouvait pas en permanence à sa disposition ;
- la durée exacte de travail convenue avec le salarié.
Dans un arrêt du 14 septembre 2022, la Cour de cassation rappelle que ces deux conditions sont cumulatives.
Dès lors, pour renverser la présomption de temps complet, il ne suffit pas à l’employeur de démontrer que la salariée (en l’espèce une enseignante) n’était pas en permanence à sa disposition et qu’elle pouvait prévoir son rythme de travail. Il doit également prouver que la salariée était informée de sa durée de travail exacte, hebdomadaire ou mensuelle.
La production d’un unique mail mentionnant le nombre d’heures de cours par semaine n’est pas considérée comme suffisant par la Cour de cassation (Cass. soc., 14 sept.2022, n° 21-12251).
La Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de rappeler le caractère cumulatif de ces deux conditions dans un arrêt du 25 mai 2022 par lequel elle rappelait aux juges de la Cour d’appel qu’ils devaient bien contrôler le fait que l’employeur avait démontré la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, du travail convenue (Cass. soc., 25 mai 2022, n° 21-10087).
Il faut donc produire d’autres éléments (le contrat de travail, des bulletins de salaire, ou tout autre document permettant de démontrer l’accord sur la durée du travail convenue) pour remplir cette deuxième condition et ainsi renverser totalement la présomption de temps plein.
En tout état de cause, afin d’éviter la mise en œuvre de la présomption de requalification du temps partiel en temps complet, l’employeur devra être particulièrement attentif à la rédaction du contrat de travail.
Toutefois, cela est loin d’être suffisant pour écarter tout risque de contentieux : l’employeur devra également veiller à la durée du travail tout au long de la relation contractuelle à temps partiel.
Dans un arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation se prononce sur les avenants pour complément d’heures et la durée de ces derniers.
Pour rappel, la loi du 14 juin 2013 permet de signer un avenant de complément d’heures dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel afin d’augmenter temporairement la durée du travail des salariés à temps partiel en s’affranchissant des limites applicables aux heures complémentaires et des majorations de salaire y afférentes.
La question de savoir si cet avenant permettait d’augmenter temporairement la durée du travail jusqu’à atteindre une durée du travail à temps complet se posait.
Dans son arrêt du 21 septembre 2022, la Cour de cassation répond par la négative et considère que « la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel (…) ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement ».
La Cour de cassation applique donc sa jurisprudence en matière d’heures complémentaires aux avenants de complément d’heures et considère qu’en aucun cas, la durée du travail à temps partiel ne peut atteindre, même temporairement, la durée de travail d’un temps complet (Cass. soc., 21 sept. 2022, n° 20-10701).
L’employeur devra donc s’assurer, tout au long de la relation contractuelle, que la durée du travail des salariés à temps partiel n’atteigne jamais la durée légale ou conventionnelle du travail.