Penser le futur des politiques handicap

Publié le Mercredi 5 juin 2024

Accords handicap, missions et référent·es dédié·es, sessions de sensibilisation et actions d'engagement... La palette d’outils et de dispositifs en lien avec le handicap au travail est large et historiquement ancrée dans les politiques des organisations.

Est-il possible - et souhaitable - de réinventer ces politiques ? Comment dépasser les obligations légales et élargir les imaginaires pour accompagner les prochains points de bascule ? En mars dernier, les membres de l'AFMD se sont réunis dans le cadre d’un atelier exploratoire pour penser le futur des politiques handicap et penser les prochains leviers d'inclusion.
On vous raconte ce qu’on a appris !


Les échanges 

Durant l’atelier, nos membres se sont projeté·es sur des scénarios en lien avec l’évolution du cadre légal et des dispositifs liés au sujet du handicap au travail : 

  1. L’obligation d’emploi et de déclaration par les entreprises
    Vers une remise en question du « taux d’emploi » ? 
  2. L’identification des travailleurs handicapés, et la définition de "travailleur handicapé”
    Vers la fin ou la simplification de la RQTH ? 
  3. L’action des entreprises en faveur du handicap dans un contexte non coercitif
    Le handicap en entreprise dans un monde sans RQTH & obligation d’emploi 
  4. La gestion des discriminations multiples par les entreprises  
    Vers une considération de l’intersectionnalité ? 
  5. L’accompagnement des aidant·es 
    Vers un renforcement des dispositifs d’aides ? L’aidance, à considérer au même niveau que les TH ?

Les réflexions ont fait émerger quatre grands axes d’évolutions possibles :

Définition et reconnaissance du handicap 

  • Sortir d’une approche trop silotée et stigmatisante, y compris via l’utilisation d’une terminologie repensée qui remplacerait le terme « handicap » par un terme plus large lié aux besoins spécifiques et enjeux de santé, et non liée à une notion de « minorité », incluant et légitimant par exemple la situation des aidant·es
  • Faire évoluer la définition de la situation de handicap, pour reconnaître et prévenir toutes les formes de discriminations multiples
  • Construire un processus simplifié et intégré de reconnaissance de la situation des PSH et des aidant·es, par exemple en la déléguant à la médecine du travail ou de ville et en automatisant certaines actions de renouvellement de reconnaissance. Cette démarche permettra de faciliter l’identification des situations et de simplifier leur nécessaire officialisation.
  • S’appuyer sur l’intelligence artificielle et le big data pour identifier plus simplement et efficacement les situations de handicap. Par exemple, l’automatisation de certaines données de santé pourrait être facilitée par le croisement de données disponibles pour un·e même patient·e dans différents services de santé.


Mesure et leviers de la politique handicap 

  • Inclure une approche par les « capacités » des collaborateurs et collaboratrices (ability) dans tous les process RH afin dé-siloter le sujet du handicap qui est aujourd’hui traité comme un sujet à part 
  • Mesurer les actions des organisations grâce à des indicateurs spécifiques et les comparer au taux d’emploi, afin de permettre une évaluation plus complète de l’efficacité des engagements handicap (par exemple : intégration de mesures liées à la progression de carrière et progression salariale des PSH)
  • Piloter l’action des organisations de façon incitative (par exemple : avec des réductions d’impôts) et non coercitive, avec le soutien des représentant·es du personnel et acteurs du dialogue social, et ainsi inciter à plus de transparence de la part des organisations
  • Déployer des prises en charge adaptées aux besoins des collaborateurs et collaboratrices en situation d’aidance, et communiquer sur ces dispositifs
  • S’appuyer davantage sur l’accompagnement des parties externes à l’entreprise tels que l’AGEFIPH et le FIPHFP

Accompagnement dans l’emploi des travailleurs en situation de handicap et des aidant·es

  • Évaluer les besoins et capacités des personnes via une matrice d’impact intersectionnelle plutôt que via une définition figée du handicap afin de prendre en compte l’expérience collaborateur de façon plus fine dans le processus RH (y compris via l’enrichissement des situations reconnues handicapantes, comme la neuroatypie )
  • Sanctuariser le budget handicap dans les organisations pour sécuriser un certain volume d’actions en faveur des PSH
  • Être plus efficace dans la gestion budgétaire des dispositifs handicap, par exemple via la négociation avec les fournisseurs des dispositifs d’aménagements de poste et en priorisant les dépenses au regard de l’impact sur l’expérience du collaborateur

Sensibilisation des acteurs

  • Déployer des actions de sensibilisation en continue, de façon banalisée, non centrées uniquement sur des temps fort (classiquement la SEEPH - Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées)
  • Sensibiliser et accompagner les publics dès l’enfance et la période d’études, afin d’œuvrer pour moins de stigmates et plus d’inclusion dans la société – et faciliter l’accès aux études et emplois qualifiés pour les PSH
  • Libérer la parole et visibiliser les cadres ou haut-cadres en situation de handicap / d’aidance afin de déstigmatiser leur parcours et quotidien
  • Inclure davantage d’informations sur le statut et les dispositifs d’aidant dans les communications destinées aux employé·es et leurs managers

Conclusion

L’atelier exploratoire a permis de prendre la mesure de l’ampleur des enjeux et de la complexité du sujet. Comme tout changement opéré à l’échelle de la société, il est évident que les démarches s’inscrivent dans un temps long. 
Les prochains leviers d’inclusion des politiques handicap dépendent d’une dynamique qui devra rassembler différents acteurs : les employeurs, les pouvoirs publics, la société civile. En effet, les échanges et les pistes évoquées par les participant·es montrent que le futur des politiques handicap nécessite un changement systémique de la définition et de la perception même du handicap. 

Ce changement ne pourra s’opérer qu’à condition que le cadre légal évolue, mais aussi que le sujet soit abordé dès l’enfance, à l’école et pendant les études. Dans le même temps, les employeurs ont la responsabilité de sortir d’une conception très silotée du handicap, d’élargir leurs actions pour prendre en compte le statut d’aidant·e et les sujets de santé au travail.