Agir pour le monde d’après : vision d’entrepreneurs
Entretien avec Pierre Minodier, président national du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise
Je suis Pierre Minodier, un citoyen et un entrepreneur. Il y a un an et demi après un rachat, j'ai décidé de démarrer un nouveau projet, une nouvelle start-up dans le secteur service à la personne. Je suis le président du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise (CJD) depuis 2018.
Le CJD est une association de dirigeants et d’entrepreneurs présente à l'international, créée en France en 1938. La raison d'agir du CJD est de mettre l'économie au service de l'Homme. Nous travaillons beaucoup sur l'impact du dirigeant sur son environnement et dans son entreprise. Nous apportons à nos adhérents un véritable parcours pour aider le chef d’entreprise, qui est souvent tout seul, à travailler sur lui et sur son entreprise pour la développer de manière globale.
Selon vous, suite à la crise sanitaire, quelle sera la nouvelle réalité dans le monde de l’entreprise ? Quels sont les défis qu’elles rencontreront ?
Suite à la crise sanitaire, beaucoup de choses ont été remises en question, avec des acteurs complets de notre économie qui ont été heurtés de plein fouet comme l'agriculture, la restauration, la mobilité. Ces secteurs vont devoir se reconstruire, se réinventer. La nouvelle réalité est forcément difficile et il y a beaucoup de défis à relever et d'opportunités comme dans toute crise. Nous croyons que le monde d'avant n’est plus possible. Nous faisons partie des premiers acteurs à se prononcer là-dessus et à prôner un changement de modèle. C'est comme quand on crée une entreprise, on se jette dans le vide. Il va falloir y aller !
Nous rêvons d’un monde beaucoup plus solidaire. Il y a de formidables sources d'apprentissage. Les problématiques sociales qui sont devant nous vont être assez difficiles. Mais je fais confiance aux Français et surtout aux entrepreneurs pour relever ces défis. Nous avons toutes les cartes en main pour le faire : réindustrialiser ce qui doit l’être, changer de moyen de production, réfléchir à nos circuits d'achat et de vente. Nous considérons que c'est notre rôle en tant que chef d'entreprise et entrepreneur d'anticiper et de penser ces nouveaux modèles. Forcément il y aura des inégalités. Mais il faudra être vigilant sur cette crise et comment on va la traverser.
Pensez-vous que nous allons nous orienter vers une activité économique plus équitable, plus sociale ou au contraire, allons-nous vers une restriction des activités RSE ou Diversité et Inclusion ?
Forcément, nous sommes des optimistes. Nous y croyons dur comme fer. Si nos concitoyens, si nos clients y croient, cela va bien se passer. Si nous sommes toujours à la recherche du prix pour le prix, au détriment d'une justice plus sociale et plus écologique, ça sera difficile.
Le CJD a été construit à la suite des grèves de 1936, comme une réaction patronale à la faillite sociale. Nous ne devons donc plus opposer le monde des collaborateurs et le monde des employeurs. Les entreprises de nouvelle génération parlent d'intrapreneuriat, de collaborateurs engagés et ce sont probablement les modèles à envisager dans l’entreprise. C'est comme une entreprise avec des associés, plus on a de diversité, plus on sera riches des points de vue, et donc forcément on prendra de meilleures décisions. Pour la pérennisation du lien dans les entreprises, du lien social, de l'économie et de l'environnement, il faut développer une vision de long terme. Les entrepreneurs sont des acteurs agiles et innovants et ils doivent être forcément devant. Le CJD dans son ADN fait prendre conscience au dirigeant qu’il a un rôle important à jouer, et cela passe par une transformation personnelle pour se libérer de ses freins. C’est notre leitmotiv et je suis fier de penser que c’est une des plus belles écoles d’entrepreneurs en France.
Quelles sont les recommandations et préconisations que vous feriez aux organisations membres de l’AFMD pour bien appréhender cette nouvelle réalité ?
Il me semble qu'il faut prendre un peu de recul et arrêter d'avoir la tête dans le guidon. C'est essentiel de se poser, de réfléchir et en même temps d'agir. Nous sommes convaincus qu'il y a de la place pour la réflexion et de l'action en même temps. Le rôle de l'entrepreneur c'est d'avoir l'intuition de là où il faut aller et de faire en sorte que l'ensemble des ressources qu'il a à sa disposition l’amène à bon port. Je crois qu'avant tout l'entreprise c'est le reflet du dirigeant et que cela passe par une posture interne. Jean Mersch, le fondateur du CJD a dit : “le patron a pour mission d’orienter son entreprise vers le bien commun”. Et c’était en 1938 dans un contexte assez similaire. C'est le rôle des membres de l’AFMD, des membres du CJD, de tout citoyen qui a une responsabilité de s'interroger sur ce qu'est l'entreprise aujourd'hui et ce qu'elle devrait être demain : « qu’est-ce que je fais dans mon modèle social et économique pour améliorer les choses ? » Il y a peut-être un changement de croissance, une croissance de la reconstruction, de la régénération.
Il faut changer de modèle mental qui dit que la croissance ce sont juste des dollars ou des euros. Nous allons vivre ces révolutions et bouleversements. Nous les voyons comme source d’apprentissage en tant que collaborateurs, en tant qu’entrepreneurs. Qu'est-ce qu'on apprend de ça ? Quelles sont les nouvelles zones d’expérimentation ? Comment allons-nous systématiser les retours d’expérience ? Et cela, tous ensemble avec l'entreprise et toutes ses parties prenantes.
Le CJD, rassemble les dirigeants - entrepreneurs et cadres dirigeants - qui sont convaincus qu’une économie au service de l’Homme est la clé de la compétitivité des entreprises françaises. Plus ancien mouvement patronal français, créé en 1938, le CJD est une association indépendante des fédérations et organisations patronales, laïque, non-partisane. Le CJD compte 118 sections partout en France et rassemble plus de 5000 adhérent·e·s. Il se donne pour mission de les aider dans leur vie d’entrepreneurs responsables et de promouvoir au sein de la société les valeurs positives, éthiques des jeunes dirigeants.